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8 septembre 2015 2 08 /09 /septembre /2015 16:33

Initiatives

Des réfugié.e.s « comme à la maison »

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C’est au cœur du 8ème arrondissement, près de la populaire place de Clichy, que se situe le siège de SINGA, comme un avant-gout de la mixité et du vivre-ensemble, valeurs de l’association. Depuis quelques jours, c’est le rush. Au téléphone, déjà, Alice Barbe, co-fondatrice du site, s’étonne : « On a reçu plus de 500 mails de particuliers souhaitant héberger des réfugié.e.s ! ». Le lendemain, vendredi 4 septembre, ce sont plus de 1000 propositions qui ont été envoyées. « Sincèrement, on est débordés », avoue Sarah Affani, membre de SINGA. « On a un afflux continu de demandes, on ne s’y attendait pas forcément, on est très surpris. Il faut qu’on s’adapte et qu’on s’organise ». Pour cause, l’association SINGA, fondée en 2011, est une petite communauté composée d’une dizaine de membres.

En juin, l’association qui proposait déjà des programmes d’apprentissage du français, des sorties, des accompagnements à la formation professionnelle, a ouvert un nouveau projet nommé CALM, pour « Comme À La Maison », à l’image du précurseur allemand « Refugees Welcome » (Voir : Accueil des réfugié.e.s : une solidarité européenne). « Il s’agit de mettre en relation des particuliers qui ont un logement vacant et des réfugié.e.s qui sont dans une situation précaire », précise Guillaume Rivet, membre de SINGA, avant d’ajouter : « Au delà de la question du logement, cela permet aux réfugié.e.s de mieux comprendre le pays dans lequel ils vivent, d’apprendre la culture et la langue française. C’est avant tout un échange humain ».

« Les gens ont été choqués par ce qu’ils ont vu, ils veulent apporter leur pierre à l’édifice »

Le concept est né de l’expérience de Foday Janneh, président de l’association. Lui même réfugié, originaire de Sierra Leone, il a vécu le parcours du combattant auquel doit faire face chaque nouvel arrivant. En 2011, le futur président de SINGA arrive en France. Il est alors placé en CADA, ces centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Ce n’est qu’un an plus tard qu’il obtient le statut de réfugié. Comme la plupart des personnes dans son cas, c’est à ce moment charnière que la situation se complique.

« Les centres d’accueil d’urgence ne désemplissent pas, ils n’ont pas de places libres », explique t-il. Il rencontre alors une famille française qui propose de l’héberger. « J’ai pris confiance en moi, j’avais peur de parler avec des Français parce que je ne connaissais ni leur langue ni leur culture. Avec la famille, c’était une belle expérience : des fois je leur faisais à manger, ils ont appris beaucoup de choses de mon pays ». Ici, le partage, la solidarité, sont des valeurs essentielles. Ainsi à la question « Certains ont renommé votre projet le ‘Airbnb des réfugiés’, cela vous convient ? », la réponse est sans équivoque : « Non, cela renvoie à l’idée d’un business, nous sommes un service gratuit ».

L’expérience de Foday Janneh a impulsé le projet CALM. Aujourd’hui l’élan de solidarité surprend même son initiateur. « Les gens ont été choqués par ce qu’ils ont vu à la télévision, ils veulent apporter leur pierre à l’édifice », estime t-il.

« Il ne s’agit pas d’un catalogue »

Concrètement, les particuliers désireux de proposer leur logement doivent s’inscrire au programme CALM via un formulaire. Ce premier contact va permettre à l’association de cerner le profil de l’hôte afin de mieux le « matcher » avec un.e réfugié.e. Les questions sont simples : décrire son logement, ses centres d’intérêts, estimer le temps d’accueil proposé, etc. Grâce à ses données, l’association espère trouver des points communs avec un.e réfugié.e. Mais attention, « il ne s’agit pas d’un catalogue », précise Alice Barbe. « Si un particulier nous dit clairement ‘Je voudrais héberger un réfugié syrien chrétien », nous refusons. Ce n’est pas un marché. Nous essayons avant tout de trouver des centres d’intérêt commun entre hébergeur.e et réfugié.e afin qu’il y ait un échange réciproque. C’est une cohabitation des plus classiques ».

Pour des questions pratiques, les hébergements seront limités à 2 semaines minimum pour 9 mois maximum, le but étant que les réfugié.e.s puissent trouver un logement plus stable à long terme. Initialement, le projet était prévu exclusivement pour l’Ile-de-France. « Nous voulions que les réfugié.e.s soient facilement en contact avec l’association. Qu’ils ne se retrouvent pas perdus et seuls avec les hébergeurs », explique Sarah Affani. Mais c’était sans compter l’élan de générosité provenant de toute la France. Le projet va donc s’ouvrir à d’autres départements et la création de médiateurs va permettre de maintenir le lien. « S’il y a le moindre problème, les médiateurs seront présents pour le résoudre. Et si vraiment le dialogue ne change rien, s’il y a un malaise entre le particulier et le réfugié, nous arrêterons ».

Des formations dédiées aux futur.e.s hôtes

Pour faciliter le contact, SINGA offre des formations aux futur.e.s hôtes. Sarah Affani précise : « Nous leur expliquons déjà ce qu’est un.e réfugié.e ». Pour cause, ils sont nombreux à faire l’amalgame entre « réfugié » et « migrant ». La mise au point est nécessaire : les réfugié.e.s fuient les conflits armés ou la persécution tandis que les migrant.e.s ne sont pas menacé.e.s directement : « ils choisissent de s’en aller pour des motifs d’éducation, de regroupement familial ou pour d’autres raisons. Contrairement aux réfugiés qui ne peuvent retourner à la maison en toute sécurité, les migrants ne font pas face à de tels obstacles en cas de retour », souligne l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.

Mais il s’agit avant tout de rassurer : « Certains nous demandent s’il faut nourrir les réfugié.e.s ou leur acheter des vêtements. Ce sont des questions pratiques mais nécessaires. Nous leur répondons que les réfugié.e.s se prennent en main mais que cela dépend de leur relation. Nous soulignons surtout que ces réfugié.e.s n’ont pas la même culture et qu’il peut y avoir des incompréhensions », détaille Sarah Affani.

Bientôt une application

Le formulaire de contact est une première ébauche d’un projet beaucoup plus grand : la création d’une application. « L’algorithme sera plus complexe, les questions de présentation et de motivation plus développées », souligne Guillaume Rivet. Prévue pour décembre 2015, l’application nécessite une levée de fonds. Ainsi, le 24 septembre, SINGA lancera un appel à participation via le système du crowdfunding organisé par Co-city. « Nous avons déjà quelques financements, l’application va voir le jour mais elle doit être développée et pour cela, il nous faut plus de fonds », insiste Guillaume Rivet. « Et si par hasard des web-designers et des concepteurs veulent nous aider, nous sommes preneurs ! ».

Et justement le financement des différents projets de l’association provient de diverses fondations privées mais également de fonds publics. « Leur part est assez faible, notre but est d’être totalement autonome », affirme Guillaume Rivet. A long terme le but serait pourtant que l’Etat puisse investir dans CALM ou des projets similaires. « Il faut que l’Etat comprenne que le problème des réfugié.e.s se répercute sur la société entière. Il devrait investir et soutenir des modèles comme le nôtre et comprendre que les réfugié.e.s peuvent apporter à la société française », souhaite le président Foday Janneh. Et non, ils n’ont pas peur que l’Etat se désengage de ses responsabilités : « Nous ne sommes pas un mouvement politique mais citoyen. C’est une aventure humaine », conclut Alice Barbe. En attendant, dimanche, c’est une couturière qui va inaugurer le projet CALM en hébergeant une première famille de réfugié.e.s.

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