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6 avril 2016 3 06 /04 /avril /2016 13:17

La loi polonaise, déjà très restrictive en matière d’avortement, pourrait le devenir davantage. La Première ministre soutient les autorités religieuses qui poussent en ce sens. « La Pologne est devenue un Etat théocratique », s’insurge la féministe Magdanela Sroda.

Il fallait s’y attendre. La Pologne, qui pénalise déjà largement l’avortement, pourrait encore restreindre son accès. Actuellement dans le pays, l’IVG est autorisée pour trois raisons : en cas de malformation du foetus, de menace sur la santé de la mère ou de viol/inceste.

Plusieurs tentatives des autorités religieuses – très influentes en Pologne – avaient déjà eu lieu, notamment en juin 2014, mais l’ancien Premier ministre Donald Tusk s’était élevé contre ce mouvement.

Aujourd’hui, le paysage politique n’est plus le même. En octobre 2015, le parti Droit et Justice (PiS), composé de conservateurs eurosceptiques, remportait les élections législatives. À sa tête : Beata Szydlo, désormais Première ministre.

Revigorées par l’arrivée au pouvoir des conservateurs, les autorités religieuses ont publié jeudi 31 mars un appel à une « interdiction totale de l’avortement ». Il fait suite au dépôt au Parlement, une semaine plus tôt, d’une proposition de loi interdisant l’IVG – sauf s’il met en danger la vie de la mère. Pour qu’il soit examiné par le Parlement, à majorité conservateur, le texte doit récolter au moins 100 000 signatures citoyennes.

Beata Szydlo, Première ministre : « Oui, je soutiens cette initiative »

Et l’Eglise compte bien inciter ses fidèles à la mobilisation. Le 3 avril prochain, tous les évêques polonais liront dans leur évêché un communiqué anti-avortement.

« La vie de chaque personne est protégée par le cinquième commandement : « Tu ne tueras point ! », commence la déclaration. « Par conséquent, la position des catholiques (NDRL : sur l’avortement) est claire et immuable (…) Nous lançons un appel à toutes les personnes de bonne volonté, aux croyants et non-croyants, à prendre les mesures visant à la protection juridique complète de la vie ».

S’en suivra une récolte de signatures, sur les marches des églises, afin d’obtenir un maximum de voix pour la proposition de loi. Interrogée sur le sujet à la radio polonaise, la Première ministre, Beata Szydlo a été claire : « Oui, je soutiens cette initiative ». Ajoutant tout de même que chaque député voterait « en accord avec sa propre conscience » et que, « pour le moment, on ne peut pas parler de proposition de loi puisqu’elle n’existe pas encore ».

Beata Szydlo, comme les autorités religieuses, en appellent à un « compromis ». Sauf que la loi de 1993 est déjà considérée comme un compromis, écrivent plusieurs journaux polonais, comme Fakt.

« La Pologne est devenue un Etat théocratique »

Dans cette – encore virtuelle, donc – proposition de loi, que Les Nouvelles NEWS ont pu lire, les organisations pro-vie ainsi que les autorités religieuses demandent à remplacer une partie du préambule de la Constitution polonaise pour y inscrire : « Tout être humain a le droit inhérent à la vie à partir du moment de la conception, de la rencontre entre les cellules reproductrices mâles et femelles. La vie et la santé de l’enfant, à partir de la conception, restent sous la protection de la loi ».

Alors qu’actuellement la loi autorise l’IVG en cas de malformation du foetus, la nouvelle loi – si elle est acceptée – l’interdirait et obligerait l’Etat à prendre en charge, via un soutien matériel et financier, les soins pour les familles d’enfants handicapés mais également pour les mères dont l’enfant est issu d’un viol.

Face à ces nouvelles mesures, les réactions de féministes reconnues n’ont pas tardé. « Une interdiction totale de l’avortement est une expression de mépris. C’est cruel, absurde, et cela ne sert qu’à la domination des femmes », dénonçait Eliza Michalik, journaliste féministe polonaise.

Magdanela Sroda, figure polonaise, philosophe féministe, écrivait un peu plus tard sur sa page Facebook : « La Pologne est devenue un Etat théocratique, une République catholique (…) Les politiciens sont ‘églisianisés’, les prêtres sont ‘politisés’, le Président parle la langue des évêques, les évêques parlent comme les chefs du parti (NDRL : le parti Droit et Justice PiS). Dans ce pays, la langue et l’ordre fondamentaliste commencent à dominer. L’avortement, la contraception, l’homosexualité, l’athéisme seront bientôt criminalisés… »

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Danièle Soubeyrand-Géry - dans informations