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11 mai 2011 3 11 /05 /mai /2011 09:33

Dans son rapport annuel, la Ligue des droits de l’homme exprime son inquiétude face aux charges du gouvernement contre les libertés publiques.


Par FABRICE TASSEL

(Christophe Ena / AFP)


A un an de la présidentielle, les premiers bilans du sarkozysme fleurissent à droite et à gauche. La Ligue des droits de l’homme (LDH) apporte ce matin sa pierre à l’édifice à travers son «Etat des droits de l’homme en France 2011», dont Libération présente les grandes lignes. Le titre du document, «La République défigurée», en dit long sur l’inquiétude de l’organisation : l’essence même du régime français serait menacée, à travers l’action d’un Président qui aurait davantage détruit que construit. Les valeurs cardinales de liberté, égalité, fraternité auraient cédé le pas à la sécurité, aux inégalités, et à la précarité (lire ci-contre). En fin d’ouvrage, la LDH établit une chronologie de l’année 2010 sur les droits de l’homme. Forcément sélective, elle témoigne néanmoins d’une certaine ambiance sur le sujet des libertés publiques.


Fiasco. Ainsi, dès le 12 janvier, le tribunal administratif, saisi par le préfet, demande au maire de Billère (Pyrénées-Atlantiques) d’effacer d’un bâtiment public une peinture murale dédiée à des sans-papiers expulsés. Le lendemain, à Nîmes, Nicolas Sarkozy annonce officiellement son intention de créer une Maison de l’histoire de France. Décision surtout symbolique, d’autant qu’un mois après, le 8 février, un séminaire interministériel masque laborieusement le fiasco du «grand débat sur l’identité nationale», préambule à la disparition du ministère de l’Identité nationale, qui aura lieu le 14 novembre.


Le 10 février, une intervention policière musclée se traduit par l’évacuation d’un camp de Roms à Toulouse. Côté sécuritaire, Christian Estrosi, alors maire de Nice, annonce le 8 mars le doublement du nombre de caméras de surveillance d’ici à la fin 2011. L’objectif est d’atteindre le ratio d’une caméra pour 600 habitants. Quelques jours plus tard, la France se gondole en apprenant que cinq pompiers catalans, filmés dans un supermarché de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne) en train de parler catalan pendant leurs courses, sont soupçonnés d’être des terroristes basques, assassins de policiers français.


Fichier. Retour de l’immigration le 31 mars avec le dépôt d’un nouveau projet de loi qui témoigne d’un nouveau durcissement : allongement de la durée de rétention, protection juridique affaiblie pour les migrants, etc. Le 28 mai, le ministère de l’Intérieur crée par décret un «fichier des personnes recherchées», qui développe un fichier du même nom datant de 1996, «afin de faciliter les recherches et les contrôles effectués par les services de police, les unités de la gendarmerie nationale et les agents des douanes». Ce fichier est étendu à de nouvelles catégories d’étrangers en situation irrégulière.


Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, refait parler de lui le 4 juin en étant condamné à 750 euros d’amende pour injure à caractère racial, des propos tenus à l’université d’été des jeunes UMP à Seignosse (Landes) en 2009 - il fait appel. Le 10 juin, six citoyens sont à leur tour jugés à Pau pour outrage envers le préfet des Pyrénées-Atlantiques, auquel ils avaient envoyé des courriels faisant référence à l’époque de Vichy. Ces six personnes réagissaient à l’arrestation d’une famille de sans-papiers à Pau - ils seront condamnés à 1 000 euros d’amende avec sursis en août. Le 15 juin, la commission européenne contre le racisme et l’intolérance du Conseil de l’Europe dresse un bilan de l’action publique menée entre 2005 et 2009 et s’inquiète d’une persistance des discriminations raciales concernant «particulièrement les musulmans, les gens du voyage et les Roms». Le débat sur l’identité nationale revient, sous une forme différente, le 2 juillet, lorsque la Fnac licencie deux salariés qui avaient remporté un concours, organisé par l’enseigne sur le thème du politiquement incorrect, avec une photographie montrant un homme s’essuyant les fesses avec un drapeau français.


«Guerre». Le 6 juillet, 170 Roms sont expulsés à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Le 21, après des incidents violents à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), qui ont suivi la mort d’un jeune gitan lors d’un tir de police, et à Grenoble, après un acte de grand banditisme, Sarkozy annonce «une véritable guerre aux trafiquants et aux délinquants» et évoque «les problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms». L’évacuation d’environ 300 camps de Roms est décidée le 28 juillet. Le 27 août, le comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU s’affirme préoccupé par la «tenue de discours de nature discriminatoire en France». La polémique enfle en septembre : le Parlement européen adopte une résolution demandant à la France de «suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms». Viviane Reding, la vice-présidente de la Commission européenne responsable de la Justice, estime le 14 septembre qu’elle pensait «que l’Europe ne serait plus témoin de ce genre de situation après la Seconde Guerre mondiale».


Le débat sur la réforme des retraites occupe une grande partie de la fin de l’année, néanmoins encore marquée par les protestations de nombreuses associations contre le projet de loi, annoncé le 28 octobre, qui remet en cause l’aide médicale d’Etat (AME), permettant aux étrangers les plus précaires de se soigner. Le 1er décembre est adopté le projet de loi concernant le Défenseur des droits, qui reprendra les attributions du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Le 4 décembre, les sénateurs cèdent face aux pressions du gouvernement et l’AME est réduite de un an à trois mois. Enfin, le 14 décembre, est voté le projet de loi dite Loppsi 2 qui renforce le fichage et la surveillance des citoyens.

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