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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 05:10
20 milliards de dépenses nouvelles ? un peu trop rond pour être carré…
27 juin 2012 à 20:26
François Baroin et Valérie Pécresse à l'Assemblée nationale le 6 septembre 2011.
François Baroin et Valérie Pécresse à l'Assemblée nationale le 6 septembre 2011. (Reuters)

Le chiffre répété par la droite mérite d'être regardé de près.

Par GUILLAUME LAUNAY, CÉDRIC MATHIOT

«Je ne me sens pas comptable du tout des 20 milliards de dépenses que monsieur Hollande a annoncés depuis le 6 mai, ces cadeaux électoraux, ces promesses non financées, qui rendent aujourd’hui l’équation budgétaire insoluble pour le gouvernement.»

Valérie Pécresse, mercredi matin, sur France Info

INTOX

Dix jours après la défaite de la droite aux législatives, les anciens ministres restent mobilisés pour défendre le bilan du quinquennat et pourfendre les débuts de Hollande. Quitte à répéter en boucle des éléments de langage pas toujours très étayés. Depuis lundi, Valérie Pécresse est l’une des plus mobilisées sur cette tâche. Lundi soir sur France 2, elle débattait avec la nouvelle porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, en dénonçant «20 milliards de dépenses non financées». Hier matin, au micro de France Info, elle reprenait l’argument. Interrogée sur l’héritage économique du sarkozysme, l’ancienne ministre du Budget a d’abord défendu le bilan : «Le pouvoir d’achat a augmenté pendant tout le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Nicolas Sarkozy a protégé les Français pendant la crise, durant cinq ans.» Avant d’enchaîner sur un état des lieux accablant des premiers jours de ses successeurs : «Je me sens comptable effectivement du bilan économique de la France jusqu’au jour de notre départ, c’est-à-dire jusqu’au 6 mai. Et je ne me sens pas comptable du tout des 20 milliards de dépenses que monsieur Hollande a annoncés depuis le 6 mai, ces cadeaux électoraux, ces promesses non financées, qui rendent aujourd’hui l’équation budgétaire insoluble pour le gouvernement.»

DESINTOX

Le refrain sur le pouvoir d’achat a été un standard de l’UMP pendant la campagne, il n’est donc pas très étonnant de le réentendre, au mépris des dernières données de l’Insee (lire ici). Plus récent, en revanche, est le bilan que la droite dresse des premières annonces de Hollande: 20 milliards d’euros de dépenses nouvelles à l’échelle du quinquennat. Le chiffrage a été établi début juin par Gilles Carrez, et il est repris en boucle par les ténors de la droite, sans vraiment tenir compte des annonces faites depuis. Un montant tout rond, qui mérite donc d’être regardé en détail car il mélange un peu tout.

Le premier poste, parmi ces 20 milliards, n’est pas vraiment une dépense : il s’agit de l’abandon du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Selon Gilles Carrez, la règle décidée sous Sarkozy permettrait d’économiser 500 millions par an, hypothèse très optimiste. Ne pas le faire reviendrait donc, en cumulé, à ne pas économiser 7,5 milliards sur cinq ans (0,5 milliard la première année, 1 la deuxième, 1,5 la troisième, etc.) C’est certes une somme… mais pas un coût nouveau pour l’Etat.

Deuxième gros morceau, la hausse du Smic. Elle a effectivement un coût pour l’Etat que Gilles Carrez estime à 1 milliard d’euros par an et par point de Smic (1), ce qui donnait 5 milliards sur le quinquennat. Depuis mardi, on connaît le détail : + 2 % dès le 1er juillet (et non le 1er janvier 2013). Mais ce qui peut être considéré comme de la dépense nouvelle, c’est le surcoût de l’anticipation de juillet à décembre (1 milliard) puis le seul «coup de pouce» de 0,6 %, le reste de l’augmentation, lié à l’inflation, étant automatique. Un total plus proche de 3,4 milliards que de 5 milliards.

Troisième poste : les retraites (retour à 60 ans pour les travailleurs ayant commencé tôt)… dont on ne peut dire, comme l’affirme Valérie Pécresse, qu’elles ne sont «pas financées». Primo, parce que le gouvernement a toujours été clair sur le financement de la mesure, par une hausse des cotisations salariales et patronales. Deuzio, parce qu’il semble que le fruit de la hausse de cotisations décidée (même déjà revue à la baisse) devrait être supérieur au coût de la mesure. Ainsi, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse, les départs à 60 ans, qui ne concerneraient en fait que 60 000 personnes contre 150 000 évoquées, coûteront au maximum 1,7 milliard en 2017, alors que les cotisations en plus rapporteront 2,8 milliards à cette date. Sur le quinquennat, la hausse rapporterait plus de 10 milliards au régime général… près de deux fois le coût de la mesure(5,3 milliards).

Dernière dépense : l’allocation de rentrée scolaire, revalorisée dès la rentrée prochaine de plus de 70 euros par enfant. Coût supplémentaire : 372 millions par an. Là encore, prétendre que la mesure n’est pas financée est étrange, alors qu’on sait depuis la campagne qu’elle va l’être par une réforme du quotient familial (baisse du plafond de l’abattement à 2 000 euros) qui touchera les familles les plus aisées. Ce qui a été encore confirmé fin mai par Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la Santé. Le gain de la baisse du plafond de l’abattement a été estimé à environ 400 millions…

Il faut donc vraiment avoir une conception très large de la notion de dépenses nouvelles et mettre les curseurs au maximum pour s’approcher du chiffre annoncé… Qui ne correspond pas, pour beaucoup, à des dépenses «non financées».

(1) 700 millions liés à la compensation des exonérations de cotisation et 300 millions pesant sur la masse salariale des fonctions publiques. 

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