Le 23 mars dernier, le gouvernement belge annonçait que son système d’asile serait désormais pourvu d’une liste de pays d’origine sûrs, composée de l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, le Kosovo, la Serbie, le Monténégro et l’Inde. Le hasard des calendriers est cruel : la semaine suivante, le Conseil d’État français a sanctionné une nouvelle fois le Conseil d’administration de l’OFPRA pour avoir déclaré comme sûrs l’Albanie et le Kosovo(1) …
Rapporteur sur la révision de la directive sur les procédures d’asile, j’ai à plusieurs reprises remis en cause la pertinence du concept des pays d’origine sûrs. Outre le fait qu’il permette un traitement discriminatoire des demandeurs d’asile selon leur origine, sa validité reste pour le moins suspecte. Comment justifier en effet que l’Albanie et le Kosovo sont des pays sûrs pour la Belgique, alors que dans le même temps, le Conseil d’Etat français nous dit le contraire ?
Le concept des pays d’origine sûrs s’est d’abord développé dans la pratique de certains États avant d’être inscrit dans la directive sur les procédures d’asile adoptée en 2005. Comme les États membres n’ont jamais réussi à s’accorder sur une liste commune de pays dits sûrs, ils appliquent aujourd’hui cette notion de manière très disparate en termes de pays concernés, de leur nombre, de critères appliqués ou bien encore du processus de désignation et de suivi.
Cette notion se fonde sur la présomption selon laquelle la situation d’un pays permet a priori d’apprécier le bien-fondé (et plus souvent l’inverse) d’une demande d’asile. Or, rien n’est moins… sûr ! En effet, rien ne permet de penser, dans l’acception originelle du droit d’asile, qu’un pays parce qu’il est « sûr » pour 99.99% d’une population, l’est aussi pour le 1% restant. Sauf que ce 1% là a peut-être besoin d’être protégé.
Et là où le bât blesse, c’est que le concept de pays dits sûr permet un examen accéléré des demandes d’asile émanant de leurs ressortissants auquel s’ajoute le plus souvent une réduction des droits sociaux.
Encore une fois, si notre objectif est de créer un régime d’asile européen doté, entre autres, de procédures communes, il nous faudra revoir fondamentalement l’utilisation de cette notion aux contours flous et à la pertinence plus que douteuse.
(1) La décision du Conseil d’Etat français, 26 mars 2011. Après la décision du Conseil d’État, la liste des pays d’origine sûrs inclut en France : l’Arménie, le Bangladesh, le Bénin, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Croatie, le Ghana, l’Ile Maurice, l’Inde, le Mali (pour les personnes de sexe masculin), la Macédoine, la Moldavie, la Mongolie, le Monténégro, le Sénégal, la Serbie, la Tanzanie, l’Ukraine.