Master1 Information-Communication
Les raisons de la présence des partis politiques sur Internet : Étude de cas des élections régionales de mars 2010 en Rhône-Alpes.
CONCLUSION de Akim Boulkenafet de Lyon 2
Ainsi, la puissance de l'Internet relève bel et bien plus du mythe que toute autre chose. Cependant, comme tout autre mythe, le Web est porté aux nues par ceux que Neveu appelle les « montreurs de communication »(1).
Supportée par de nombreux discours teints de déterminisme technologique, la toile s'est donc logée dans de nombreux domaines de la société, et on la dit aujourd'hui omniprésente. Arrivée avec son lot de promesses, ses apports sont pourtant relativement difficiles à quantifier, et il est certain qu'on ne peut aveuglément accepter les discours de ses promoteurs.
Relativement nouveau en politique, on a attribué au net de très nombreuses qualités démocratiques, et il est venu se poser comme un nouvel espoir pour les dirigeants politiques mais aussi pour les citoyens face à leur désintérêt chronique de la chose politique, la considérant aujourd'hui non plus comme LA question de société, mais comme un simple rituel ponctué par un vote, purement facultatif.
C'est l'ère de « l'infotainment »(2) où la politique n'est plus qu'un simple divertissement.
Pour Dominique Wolton, « Internet ne serait que l'actualisation d'une utopie politique, venant après le téléphone, la radio, la télévision et l'ordinateur ».(3)
Pour lui, le Web est destiné à se fondre dans la masse de la société, et donc à ne rien profondément modifier.
J'ai tenté, au fil de mon travail de décrire l'utilisation et de mesurer l'impact et les effets de l'utilisation de l'Internet en politique, en m'appuyant sur les élections régionales de mars 2010 en Rhône-Alpes.
A la question : est-ce que l'Internet est révolutionnaire en politique, et plus particulièrement en campagne? Je répondrais non.
Je n'ai pas repéré au fil de mes recherches de justifications particulières à l'engouement suscité par l'Internet, « l'idéologie d'une époque sans idéologies » pour reprendre Neveu.
F.P. lui concède que l'on peut parler « d'évolution, mais en aucun cas de révolution »(4) puisque les formes de communication politique perdurent, et prennent même le dessus.
« Le terrain, il y a ce contact humain unique avec les gens »(5)
Une proximité, encore plus nécessaire sur des élections locales, mais que le Web ni ne créé, ni n’entretient, le virtuel semblant lointain, voire faux…
« Le local de campagne à certains moments était très vivant, et il n’y a pas ça sur le Net ».(6)
Le problème de ces blogs et sites étant bel et bien qu’ils semblent statiques, voire morts…
Je ne suis même pas certain que l'on puisse parler d'évolution, la majorité des blogs et des sites de cette campagne étant surtout une transposition des supports de campagne classiques vers les écrans.
Est-ce que Internet a un effet sur l'électorat? Oui, mais malheureusement, celui-ci n'est qu'infime face aux médias politiquement rodés que sont la télévision, le papier, etc. Déjà, tout le monde n'a pas accès à Internet, et peu nombreux sont ceux qui l'utilisent à des fins politiques, et il est déjà rare de trouver des citoyens particulièrement intéressés par des élections régionales. Ce qui est bien dommage quand on sait l’influence des décisions prises à Charbonnières sur le quotidien des Rhônalpins.
L'effort sur le Web déployé par les partis politiques est ridicule en comparaison des qualités qu'ils lui attribuent dans leurs discours. Tous, dans mes entretiens m'ont à un moment ou à un autre vanté les mérites de l'Internet démocratique, sans pouvoir me prouver de façon tangible que ce « nouveau média » bénéficiait d'un investissement important en campagne. Les hommes politiques ont bien conscience qu'Internet ne touche pas grand monde, et qu'il n'est pas LE média par excellence d'une campagne politique. Encore moins lorsqu'elle est locale.
Le Net ne peut en 2010 être considéré comme un média décisif en politique, « un média qui compte »(8)
Les sceptiques de la « révolution » Internet seront sans doute d'accord pour dire que le Net n'est pas le messie, pourtant annoncé en grandes pompes, qui viendra sauver le politique, qui continue à ne plus déplacer les foules, le taux d'abstention à ces régionales étant de plus de 50%...
Le processus de communication politique sur Internet est selon Patrice Calot et Jean-Christophe Lermusiaux[8] divisé en trois parties : faire connaître, faire aimer, et faire agir. Cela reste bel et bien l'idéal, la théorie, puisque le processus semble lorsque l'on y regarde de plus près, être resté bloqué au premier volet.
Et ce n'est sans doute pas les simulacres démocratiques dont le point culminant est l'hypothèse d'un vote électronique qui pourront y changer quelque chose.
Les hommes politiques ont investi le Net pour des raisons d'image principalement, « une image qui ne semble être qu'un raccourci dans la quête coûteuse de l'information politique »(9) que les citoyens ne prennent plus la peine d'aller chercher, et encore moins lorsqu'elle est virtuelle, et logée derrière un écran.
Je terminerais par une anecdote relevée lors de mon entretien avec J.J. :
« Je sais pas moi, il faudrait peut-être rendre le vote obligatoire comme en Belgique ».(10)
Même si la formule a de quoi faire sourire, il serait triste de ne plus avoir que l'obligation, la coercition pour obliger les citoyens à aller choisir les personnes qui vont, durant de nombreuses années avoir la lourde tâche de les diriger.
Il est pourtant, à mon avis du devoir des politiques de travailler à reconquérir les électeurs, d'insister, jusqu'à aller les chercher et il est certain que ce n'est pas en se cachant derrière l'écran que le lien entre les hautes sphères du pouvoir et les citoyens se recréera.
« Le net ne doit pas être un palliatif à l'action mais un prolongement à l'action »(11) comme me l'a affirmé R.B.
Le net ne se substitue à rien, et ne semble révolutionner ni la pratique politique, ni la pratique des politiques en 2010. Cependant, mon travail reste modeste et n’est en aucun cas exhaustif. C’est en tout cas ce que j’ai pu tirer des différentes données que j’ai eu à ma disposition.
Internet restant un outil relativement récent en politique, beaucoup de données quantitatives et qualitatives, et beaucoup d’études restent encore à faire avant de pouvoir tirer des conclusions irréfutables.
Le flou autour de l’Internet en politique est donc encore loin d’être totalement dissipé. Et il est certain que l’on peut se donner rendez-vous lors des prochaines élections pour témoigner que l’Internet en politique, malgré une utilité qui reste encore à démontrer, a encore de beaux jours devant lui.
1 Neveu, Erik, une société de communication?, 1997
2 Rodota, Stefano, La démocratie électronique: De nouveaux concepts et expériences politiques, 1999.
3 Dahmani, Ahmed (dir.), La démocratie à l'épreuve de la société numérique, 2007.
4 Entretien avec F.P.
5 Entretien avec F.P.
6 Entretien avec D.S.
7 Serfaty, Viviane, L'internet en politique, des États-Unis à l'Europe, 2002.
8 Ibid.
9 Manin, Bernard, Principes du gouvernement représentatif, 1995.
10 Entretien avec J.J.