Constat général
Tout au long de ces derniers mois, je me suis exprimé pour tenter de vous faire part de mes analyses, de la dégradation de la situation et de mes choix pour maintenir des filets d'activités dans tous ces pays dramatiquement touchés aujourd'hui. Je me suis totalement investi pour lutter contre cette terrible gangrène djihadiste.
J'ai rencontré les chefs d'Etat, leurs Etats-majors, de vieilles amitiés locales, un ancien patron des services secret français pour affiner mes informations et asseoir mes décisions. J'ai obtenu ainsi - dans un total climat de confiance avec les autorités militaires et policières de Mauritanie, leur concours pour sécuriser une zone touristique dans l'Adrar et assurer la formation de nos guides pour en faire des auxiliaires à la sécurité. Tous ces efforts sont aujourd'hui réduits à néant. Les djihadistes ont gagné la première manche !
Corruption, trafics illicites, ghettoïsation des populations locales (prises quelque part en otage) font le lit du terrorisme. La disparition par étapes successives des organisations humanitaires et des flux touristiques ont accéléré le mouvement et la paupérisation.
Les extrémistes ont maintenant le champ libre et peuvent à loisirs cultiver la haine contre l'Occident, contre la France en particulier et les impies que nous sommes.
La prise d'otages et les campagnes médiatiques qu'elles déclenchent distillent la peur chez nos compatriotes, ce qui a pour effet de réduire encore plus notre présence sur place. Seules nos grandes sociétés qui exploitent les riches sous-sols de ces régions sont encore présentes, protégées dorénavant par nos commandos militaires français. Autant d'agressions là encore qui exacerbent les haines à notre encontre et le basculement des jeunes notamment dans l'extrémisme. A leurs yeux il n'y a rien à tirer de l'Occident prédateur et corrupteur !
La dernière tragédie du 9 janvier dernier à Niamey va probablement signer l'adoption d'une nouvelle stratégie d'Aqmi et de ses sympathisants. Les rapts d'otages français vont être plus difficiles à réussir ; le refus de payer des rançons va diminuer l'intérêt pour ce genre d'opérations. Cependant, l'objectif de nous faire peur et de nous éradiquer du paysage reste une priorité.
© Photo: Philippe Freund
Aussi une nouvelle crainte se dessine-t-elle de voir évoluer la situation vers des attentats, où tout français peut être une cible potentielle. Ce sombre scénario n'est pas une vue de l'esprit malheureusement. Ce type d'opération est bien plus facile à mener, le besoin en logistique est quasi inexistant, la chair à kamikaze ne manque pas (enrôlement facile des jeunes désoeuvrés, avec leur mise sous dépendance via la drogue, et une intoxication religieuse rondement menée, etc).
Tout ceci pour dire qu'au-delà de la faiblesse de nos finances, le danger pour chaque français là-bas (voire ici) est malheureusement une réalité. La prudence suffira-t-elle pour nous protéger ? Rien n'est moins sûr. Mais libre à chacun de prendre ses responsabilités : s'enfermer, jouer les autruches la tête dans le sable, attendre que ça passe, ou AGIR ?
Notre souci majeur reste nos centaines de guides, chameliers, cuisiniers, chauffeurs, amis,... et les populations locales qui bénéficiaient indirectement des retombées du tourisme. Ces 2 dernières années ont été drastiques pour tous ces gens pour survivre, pour scolariser leurs enfants, pour rester sur leurs terres ! Quelle alternative ont-ils entre finir dans un bidonville ou tenter l'aventure périlleuse de l'émigré clandestin..., rejoindre Aqmi ?
Actuellement, nous faisons mener des enquêtes par nos ex-représentants locaux pour faire « l'inventaire » des besoins fondamentaux des personnes les plus touchées afin d'esquisser un plan d'intervention.
Association Point-Afrique Solidarité
Ce 25 janvier nous venons d'enregistrer à la Préfecture de Privas la création d'une association à caractère humanitaire pour tenter d'endiguer la catastrophe qui se dessine. Une ONG de plus allez vous dire ! Oui, mais notre approche s'inscrit dans la logique qui a été la raison d'être du Point-Afrique, à savoir : Générer de la valeur ajoutée dans ces régions.
On change d'outil (l'agence de voyage de la coopérative) qui a prévalu à la naissance du Point-Afrique en 1995 mais on garde la finalité : permettre un développement économique des régions desservies par nos vols. Ne pouvant plus désenclaver directement, on va soutenir la création d'autoproductions utiles aux populations.
Aujourd'hui l'outil est en panne... ou du moins son mode opératoire est « momentanément » inadapté... mais l'esprit et les objectifs qui furent son moteur restent ma priorité.
© Photo: Marie Dreyer
Tout d'abord l'association portera ses efforts en premier lieu sur les 3 pays actuellement sinistrés au niveau du tourisme : Mauritanie - Mali - Niger.
Notre objectif en créant l'Association Point-Afrique Solidarité est de tenter une autre voie que le tourisme pour maintenir une irrigation économique (même minime) de ces régions le temps qu'il faudra. Nous savons vous et moi que seule la lutte contre la pauvreté est la solution à tous les problèmes actuels (ici aussi du reste).
Nous pensons développer 4 axes d'actions et 3 formules de financement (A-B-C) :
- Fonds perdus, financés sous forme de dons dus à votre générosité :
- 1. Parrainage des enfants de nos guides, chameliers, chauffeurs, cuisiniers pour assurer leur scolarité (estimation : environ 1200 enfants pour les 3 pays) ;
- 2. Formations à l'agroécologie avec l'appui de mon meilleur et vieil ami de 30 ans : Pierre Rabhi et leur mise en oeuvre par des africains que Pierre a initiés depuis plusieurs années et qui ont acquis son savoir-faire. L'intérêt est double puisqu'il s'agira d'une coopération sud-sud directe !
Nous vous ferons parvenir le reçu vous permettant de bénéficier de la défiscalisation prévue par les textes.
- Prêts à taux 0 %
- 3. Financement sur le principe du Microcrédit de projets de coopératives de femmes, d'autoproductions, de projets communautaires villageois ;
Nous connaissons parfaitement le mécanisme du microcrédit pour l'avoir pratiqué depuis 15 ans dans le secteur du tourisme.
- Autofinancement du Point-Afrique d'un commerce équitable
- 4. Développer la commercialisation d'objets d'art et d'artisanat achetés par nos soins là-bas et vendus en France (dans les locaux de notre antenne parisienne et via Internet)
Les éventuels bénéfices financeront le fonctionnement de l'association, qui pour l'instant est une action bénévole.
Nous disposons tant en France qu'au Sahara et au Sahel de personnes de qualité et dignes de confiance qui partagent nos valeurs. Elles peuvent suivre pour le compte de l'Association Point-Afrique Solidarité les projets qui seront financés.
Par ailleurs, le Point-Afrique a permis à des dizaines de milliers de voyageuses et de voyageurs de découvrir ces hommes, ces femmes, ces enfants et adolescents, et leur environnement, leurs paysages. Nous sommes convaincus que toutes et tous ne sont pas indifférents au drame qui se joue actuellement là-bas. Alors nous comptons sur un élan solidaire de nombre d'entre-elles et eux pour lever les fonds nécessaires.
Enfin, je compte sur vous les coopérateurs pour démultiplier cette newsletter et augmenter les appels de fonds. Encore une fois, je vous le demande instamment : AIDEZ-NOUS !
Cette décision de créer cette association est le résultat de mes nuits d'insomnie et de mes angoisses.
Pour mémoire : L'objectif du Point-Afrique n'a jamais été l'entreprise. Celle-ci n'a été qu'un outil et non une fin en soi. Ce fut notre différence, et ce fut une belle réussite.