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mouvement politique pour la promotion de nouvelles idées
Groupe du Rhône
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Du capitalisme libéral au capitalisme coopératif :
la voie de l’économie sociale et solidaire.
Note rédigée par Bertrand Colin
Les huit premières propositions d’Arnaud Montebourg dans sont livre programme Des idées et des Rêves concernent le capitalisme coopératif. Il est la réponse avancée pour contrer les dérives d’un capitalisme (néo)libéral que sont l’ambition du court terme, de la rentabilité excessive du capital, les pressions multiples sur les salariés, leur sujétion dans le mépris de «l’économie réelle», source de travail et d’intégration sociale des individus.
Réinscrire l’économie dans les règles de la démocratie, sécuriser les champs économique et industriel, y réinscrire l’impératif du développement humain comme objectif c’est le projet du capitalisme coopératif : une organisation de la régulation économique qui donne crédit à l’émulation par la concurrence dans le marché mais qui n’en fait pas un objectif absolu – et destructeur ; qui allie la création, l’initiative individuelle au respect de l’utilité sociale et collective dans une dynamique de coopération entre les divers acteurs parties prenantes du
développement économique et social.
Capitalisme coopératif et économie sociale et solidaire (ESS) sont très proches. A peine le premier a-t-il pour lui le caractère de la nouveauté d’un mot de campagne. L’ESS est autant un projet économique, social et politique alternatif (théorique, programmatique) qu’un ensemble d’expressions concrètes répondant à des aspirations humanistes éprouvées par bon nombre de citoyens. Pourtant, peu enseignée, peu promu dans les politiques publiques et dans les programmes des partis elle reste méconnue. Le présent texte a pour but d’expliciter, dans les grandes lignes ce qu’est l’économie sociale et solidaire, de soulever et démêler les enjeux, les défis et les paradoxes qui lui sont liés.
L’ESS, une héritière de l’associationnisme ouvrier du début du XIX° siècle.
C’est pour contrer l’exacerbation de l’individualisme et se préserver de l’autoritarisme d’Etat, qui supprima au lendemain de la Révolution les corps intermédiaires, qu’apparaissent dans à partir des années 1830 les premières expérimentations de mutualisme ouvrier.
Portées par certains acteurs politiques et intellectuels d’autorité comme le socialiste républicain Pierre Leroux, cet associationnisme rencontrera les tenants de l’utopisme au cours de l’année de la première commune, et favorisera la réintégration du travailleur dans les champs politiques, économiques et sociaux de la société afin de faire de lui un citoyen entier ayant prise sur son identité et son parcours sociaux.
Ces expérimentations ont pu faire l’objet d’un essaimage sur le territoire national. C’est le cas notamment avec le socialisme municipal de Paul Brousse ou le collectivisme décentralisé de Jean Jaurès. Il s’agissait dans ce projet politique encadré par l’autorité publique locale de promouvoir la réappropriation par les ouvriers des outils de production, d’assurer une action éducative positive et un urbanisme égalitaire. Toutefois, à partir du début du XX° siècle, les théoriciens du solidarisme et aux premiers d’entre eux, Léon Bourgeois et Emile Durkheim, vont promouvoir l’institutionnalisation d’un Etat social centralisé, qui deviendra à lui seul la tutelle du social. Il assurera la solidarité par une redistribution descendante et, en même temps, cassera ces dynamiques de solidarité pratiquées en réciprocité par les individus – travailleur autant que citoyen – sur leur territoire de vie.
D’ailleurs, un autre élément qui va à l’encontre du sens commun est celui du rôle de la loi 1901 sur les associations. Plutôt que d’institutionnaliser la liberté d’association au sein de la République, cette loi limitant les statuts juridiques possibles a porté atteinte à la créativité institutionnelle qui s’exprimait dans la diversité des territoires et explicita une domestication de la société civile par le droit. Il en découla un isomorphisme des organisations d’économie sociale et solidaire, désormais encadrées par l’Etat et le marché, devenues partie
intégrante, complémentaire de l’Etat-providence corporatiste. Il faudra attendre le début des années 1960 pour constater un renouveau de la société civile avec l’expression des nouveaux mouvements sociaux, eux qui portent alors l’exigence d’une meilleure qualité de vie.
Ils témoignent de leur aspiration à la maitrise de leur historicité en participant à la définition
de leur projet sociétal hors des structures globalisantes traditionnelles et en investissant les organisations plus petites, plus locales, sur des thématiques plus circonscrites. Des structures plus conviviales sur lesquelles les individus ont une plus grande prise, un plus grand sentiment de réciprocité. Bien sûr cette résurgence fut graduelle. Initiée d’abord par une petite bourgeoisie et par des militants alternatifs et critiques au modèle dominant, elle rencontre dans les années 1980 la crise de l’Etat-providence, la fin du cercle vertueux du compromis keynésien et les limites de la société salariale. Dès lors, un climat d’innovation sociale émerge et de nouvelles structures de régulation sociale sont inventées et seront dans la décennie suivante institutionnalisées, intégrées dans les dispositifs plus horizontaux de régulation politique plus locale.
La légitimité de l’ESS par la théorie économique
Karl Polanyi montre que depuis les physiocrates l’économie s’est réduite dans la construction et les perceptions à un espace marchant, un marché autonome et autorégulé par le simple mécanisme d’offre et de demande. Pourtant, les travaux de l’anthropologie économique, notamment ceux de Marcel Mauss, s’évertuent à montrer qu’au contraire l’organisation, la structuration du champ économique s’opère en intégration, en interrelation avec les champs social et politique et dans le recours à des cadres juridiques formels donnés. Dis autrement, l’économie telle que nous la vivons aujourd’hui dans nos sociétés occidentales n’est pas naturelle mais bel et bien socialement construite. Et pour le dire rapidement, ce qu’on appelle aujourd’hui néolibéralisme s’approche peu ou prou de l’ordolibéralisme étudié entre autres par Michel Foucault qui montre comment l’Etat à créé et garantit le cadre légal et institutionnel de la pérennité d’un marché concurrentiel qui fait plus ou moins fi des impératifs sociaux et environnementaux.
On le voit bien, l’économie sociale et solidaire comme l’économie néo-libérale mondialisée, capitalistique et aujourd’hui dominante, est un système économique – politique et social –possible parmi une diversité.
L’ESS : une présentation synthétique
Nous pouvons, pour définir l’économie sociale et solidaire, nous saisir de deux perspectives.
La première est celle des statuts. Dans celle-ci, nous pouvons dire que les organisations d’économie sociale et solidaire sont celles qui s’organisent selon des statuts tels que ceux des associations, des fondations, des mutuelles, des organismes à but non lucratifs ou, dans le secteur entrepreneurial, des SCOP – Société coopérative ouvrière de production.
La deuxième perspective nous invite à définir les organisations d’économie sociale et solidaire (OESS) selon l’objectif social qui les anime. Celles-ci donnent la priorité à la personne sur le capital. D’abord, dans la finalité de l’action, ces organisations se parent d’une utilité sociale évidente comme par exemple, les crèches, les soins à domicile pour les personnes âgées, l’éducation populaire, la réinsertion professionnelle des individus exclus du
marché du travail. Ensuite, les OESS se caractérisent dans leur mode d’organisation par un fonctionnement démocratique où chacun des salariés participe à la définition des objectifs de l’entreprise. Enfin elles s’organisent comme des entreprises sans actionnariat et sans rémunération du capital. Les bénéfices, parce que les entreprises d’ESS recherchent comme toutes les autres la viabilité et les bénéfices, sont redistribués équitablement entre tous les salariés ou réinvestis dans leur objectif social.
L’ESS est une économie, des entreprises qui ont une volonté politique et sociale inclusive, réciprocitaire, ancrées sur le territoire dans une logique de proximité. Mais elle ne correspond pas seulement à cette description simplificatrice et laisse entrevoir une certaine hétérogénéité notamment entre deux groupes particuliers. Le premier est celui des acteurs traditionnels, historiques de l’ESS, économiquement puissant il correspond aux mutuelles, aux banques coopératives. Le second groupe est celui des plus petites entreprises ou associations qui tirent leur richesse des ressources militantes et citoyennes.
Les deux n’ont pas le même regard sur l’économie marchande. Les premiers l’acceptent, l’accompagnent et n’assument pas ou peu leur rôle, leur posture politique alternative. Pis, l’économie sociale à longtemps cantonné l’économie solidaire à la seule gestion de la pauvreté en limitant leur financement. Enfin les premiers sont plus ancrés dans une organisation traditionnelle, pyramidale de leur structure alors que les associations et entreprises solidaires se vivent plus proches des aspirations salariales et citoyennes.
Ces deux perspectives pour présenter les organisations d’économie sociale et solidaire rencontrent cependant des apories. La première est celle que la définition par les statuts évince des statistiques toute une série d’entreprises qui fonctionnent en SA(RL), et non en SCOP et qui ont pourtant une finalité sociale et un fonctionnement démocratique. Un autre exemple, pour prendre celui de l’automobile club, et que le statut d’association ne garantit pas un objectif social tout comme certaine banque coopérative ne sont pas les plus vertueuses. Prenons pour simple exemple les déboires de Natixis sur le marchés financiers. Natixis pourtant filiale des Caisses d’épargne et des Banque Populaire.
L’ESS, une perspective politique.
Au national, comme dans les collectivités, l’économie sociale et solidaire n’est pas une priorité. Nous pouvons dire qu’aujourd’hui, l’ESS en tant que structure économique globale ne correspond pas aux logiques du développement économique intégré dans la mondialisation et les exigences de «compétitivité» telles que promues dans les organisations économiques internationales – néo-libérales.
Si en 2001 une opportunité s’est ouverte avec la création du secrétariat d’Etat à l’économie solidaire, celui-ci peu doté en ressources s’est concentré sur l’aide qu’il pouvait apporter aux territoires souhaitant engager la promotion de l’économie sociale et solidaire. Dans cette ambition, il distilla ses conseils stratégiques quant à l’institutionnalisation idéale de l’ESS au sein des systèmes politico-administratifs locaux. Il aura aussi incité à la fédération des acteurs de l’ESS sur les territoires en en faisant une condition d’accès aux subventions nationales. Depuis, force est de constater l’absence des politiques volontaristes. Et si des rapports élogieux à l’égard de l’ESS sont fréquemment édités, le soutien sonnant et trébuchant autant que législatif ne fait pas suite.
Au sein des territoires, en fonction de leur capital social (capacités et modalités de la structuration des relations entre les différents acteurs), de leur place dans le système économique et des valeurs des responsables olitiques, l’institutionnalisation de l’ESS suit des trajectoires divergentes. Même de manière relative et toujours à la marge des politiques de développement économiques, des territoires (société civile organisée et/ou acteurs publics) sont particulièrement engagés. C’est le cas de la Région Nord Pas-de-Calais qui à développé les CIGALES – fonds d’investissement solidaire. C’est le cas aussi de la Métro de Grenoble qui a éprouvé une dynamique collective intéressante.
La région lyonnaise, en dépit du fait qu’elle soit le berceau de l’ESS comme aiment à le rappeler certains acteurs en responsabilité politique, la tradition des grands groupes industriels et plus dernièrement l’inscription de la métropole dans la mondialisation de l’économie ne favorise pas l’essor de l’économie sociale et solidaire, même si certains territoires s’y sont engagés comme la ville de Vaulx-en-Velin.
A la mairie par exemple, la belle ambition pour l’ESS fut finalement limitée à une faible envergure. Le service responsable en même temps du développement durable et de l’économie sociale et solidaire est doté d’un budget particulièrement faible, peu doté également en ressources humaines et à rencontré, en tout cas au début, une difficulté particulière à promouvoir certains projets. Souvent les élus qui au demeurant trouvent le projet de l’ESS d’une réelle utilité sociale, n’ont pas l’habitude d’assurer le développement économique avec ces nouveaux outils sociaux et solidaires et tablent plus sur l’attractivité des grandes entreprises pourvoyeuses d’emplois.
Une autre caractéristique importante est celle de la faible structuration des représentants de l’écologie politique en tant que groupe d’opposition et de proposition qui contraint les aspirations écologiques à des cadres d’actions plus restreints comme la promotion du commerce équitable. Toutefois, une action notable ouvrant des possibilités d’action publique nouvelles est celle du label «Lyon ville durable.» Il permet en effet d’afficher les ambitions de la ville et suggère un engagement au moins dans le développement durable.
Une autre entrée est celle de la capacités des administrations à appréhender les logiques de l’ESS. Souvent, elles y sont peu sensibilisées et si des sessions de formation sont proposées, leurs effets paraissent tout à fait relatifs et il est souvent très difficile de changer les mentalités administratives. L’impact est pourtant majeur puisque la commande publique représente 15% du PIB national. Elle est un levier particulier pour participer à la promotion
des entreprises d’ESS. En ce qui concerne le Grand Lyon, nous pouvons faire les mêmes observations.
Un autre acteur institutionnel majeur est la CRESS – la Chambre Régionale d’Economie sociale et solidaire. Née il y a 10 ans comme la plus part des autres de chacune des régions françaises, la CRESS a pour objectif de représenter l’ensemble des acteurs de l’ESS sur le territoire régional. En Rhône-Alpes cependant, une problématique de représentativité est notable et une place majeure et faite aux acteurs historiques (les mutuelles), aux fédérations d’associations et non pas à la diversité des acteurs sur le territoire. Si une logique de moyens s’impose à la CRESS Rhône-Alpes, l’expérience bretonne montre cependant qu’une organisation ancrée dans la proximité du territoire est pourtant possible. La CRESS Bretagne laissant sur le territoire les acteurs s’organiser. Elle ne se présente que comme plateforme de facilitation des échanges.
Enfin, évoquons pour terminer une catégorie d’acteurs particulièrement importants : ce sont les acteurs associatifs et entrepreneuriaux. Ces acteurs ont quelque peu de difficultés à se reconnaitre de l’ESS dans son assertion la plus grande et à coopérer pour sa promotion par le fait notamment d’une habitude d’organisation par réseau thématique (solidarité internationale, commerce équitable, insertion, soin à domicile) et par le fait d’une situation de précarité, de manque de moyens chronique qui pèse lourdement.
On pourra aussi discuter d’un paradoxe qui est celui d’une absence de volonté politique, collective particulière malgré un engagement particulier dans les valeurs de l’ESS et préfère se concentrer sur leur mission de développement local, frileux d’une coopération militante avec les structures politiques redoutant leur instrumentalisation, leur récupération.
Le rêve des acteurs de l’économie sociale et solidaire est probablement que cette économie se débarrasse de ses deux qualificatifs afin de devenir simplement l’Economie.
Cette économie devenue naturelle, promue par certains et acceptée par une majorité comme l’est aujourd’hui l’économie néolibérale. Nous l’avons compris, l’institutionnalisation d’une structure économique nouvelle prend un temps tout à fait particulier pour arriver à faire exprimer et à organiser ces idées et intérêts nouveaux. La réflexion, les débats politiques, associatifs et plus largement citoyens, sont nécessaires à la théorisation et à la
promotion d’un modèle qui fait de l’économie un moyen et non une fin. L’alternative économique sera sociale et solidaire.